L’INDÉPENDANT : ON VOUS PRÉSENTE TWINSWHEEL, LE DROÏDE “LIVREUR” INVENTÉ ET TESTÉ EN OCCITANIE

Il a été imaginé par des jumeaux installés dans le Lot, à l’origine pour transporter des charges dans les usines. Ce petit robot autonome va être expérimenté à partir de cet été à Montpellier pour livrer des colis aux commerçants du centre ville. Une utilisation parmi bien d’autres, pour ce droïde inspiré de Star Wars. Et ce n’est pas de la science fiction.

Ce n’est pas un robot, c’est un droïde. Respecter la nuance nous devons. Ses concepteurs installés dans le Lot, les jumeaux Benjamin et Vincent Talon, y tiennent pour une raison impériale : ils sont fans absolus de Star Wars. Il y a donc un peu de R2D2 dans ce petit engin, sauf que lui s’appelle Twinswheel, une appellation née d’un jeu de mots anglais et inspirée du statut des créateurs (twins : jumeaux; heel : talon; et wheel : roue…). Retenez son nom : il s’agit peut-être du livreur du futur, à croiser dès cet été dans le centre ville de Montpellier, dans le quartier Antigone et le coeur historique.

Sur deux ou quatre roues, le robot vous suit “comme un petit chien”, assure l’un de ses concepteurs Vincent Talon.

Sur deux ou quatre roues, le robot vous suit “comme un petit chien”, assure l’un de ses concepteurs Vincent Talon.

“Livreur de colis” à Montpellier

L’expérimentation, d’une durée de 36 mois, fait partie des 16 sélectionnées en France par le ministère des Transports à la suite d’un appel à projets de l’ADEME. Le but : tester les véhicules autonomes, une voie d’avenir en matière de mobilité propre.

Dans la région Occitanie, une seconde expérience sera menée sur le site de l’Oncopole à Toulouse, avec une navette sans chauffeur à bord, qui conduira les personnes de l’établissement de santé jusqu’à un parking situé un kilomètre plus loin.

En France, le projet montpelliérain est le seul à avoir été choisi dans le domaine du transport de marchandises plutôt que de voyageurs. Dans le chef-lieu de l’Hérault, le droïde aura pour mission de transporter des colis et de les livrer à des commerçants du coeur de ville, en binôme avec un “être humain”. Une opération qui sera menée en lien avec la Poste et STEF (produits frais).

Exit les camions de livraison qui polluent l’atmosphère et génèrent des bouchons… Place à ce deux (ou quatre) roues futuriste 100 % électrique, capable de charrier dans son casier central entre 40 et 300 kilos de marchandises, et de rouler comme un grand en évitant les obstacles, à commencer bien sûr par les piétons.

Autonome ou presque

Pour l’expérimentation de Montpellier, deux robots circuleront en binôme avec des personnes. “Il y a aujourd’hui une obligation d’avoir quelqu’un à cinq mètres de lui”, constate l’une des papas de Twinswheel, Vincent Talon. Qui insiste cependant : le droïde peut très bien être piloté à distance, et rouler sa bosse tout seul.

“Bardé de capteurs”, il a notamment en tête une cartographie nette des itinéraires qu’il emprunte. “Les datas sont enregistrées, qui précisent la présence de poteaux, de murs… Le droïde sait se localiser et s’il y a là un piéton, là un cycliste, il comprend qu’il n’a pas le droit de continuer et qu’il doit passer ailleurs”.

En cas d’obstacle, Twinswheel n’est pas du genre machine folle et incontrôlable des séries de science fiction. Via le GPS et la 4G, “on sait toujours où il est”.

Trois gabarits existent : au minimum, l’engin mesure 70 cm de long et de large, et 80 cm de haut. Le plus gros des spécimens atteint les 1m30 de longueur, 1m60 de hauteur et 70 cm de largeur.

Quant à sa vitesse, elle est à taille humaine : de 6 km/heure, l’allure d’une marche à pied, lorsqu’il est dans des environnements “encombrés”; jusqu’à 12 km/h en rythme de croisière, dans les lieux dégagés.

“Il est petit, léger, et ne va pas vite”, résume Vincent Talon. Il est facile de le freiner ou de l’arrêter”.

Assistant des techniciens Enedis à Toulouse

A Toulouse depuis début mars, il circule déjà et fait sensation : il est en phase de test auprès de certains techniciens du gestionnaire de réseau de distribution d’électricité Enedis, ex-ERDF, qui interviennent dans la Ville rose. Ils n’ont plus plus à se coltiner matériel et autre caisse à outils.

Et ils ne passent pas inaperçus, avec un droïde dans leur sillage.“Les gens qu’ils croisent leur posent plein de questions, c’est très starwarien donc”, commente Vincent Talon. Pour les électriciens – et pour l’environnement – cet assistant futuriste est un vrai bol d’air frais.

“Les agents adorent ! Ils se déplacent à pied, ils n’ont plus à utiliser des camionnettes diesel, ils peuvent prendre le métro avec le droïde. C’est moins de congestion, moins de pollution. Cela leur évite aussi de devoir se garer au risque de récolter une prune, et de transporter 80 kilos sur le dos quand ils ne peuvent pas stationner au pied de l’immeuble où ils interviennent”.

Caddie fidèle pour les personnes âgées à Paris

Le matériel, c’est donc le droïde qui s’en charge. Et qui vous accompagne fidèlement, pourvu qu’il ait votre photo 3D imprimée dans sa mémoire.”Il suit les gens comme un petit chien”, assure Vincent Talon.

Dans le XIIIe arrondissement de Paris, pour une autre expérimentation baptisée “Quartier d’innovation urbaine”, il devient ainsi une sorte de caddie “mobile” pour des clients âgés ou handicapés de la chaîne Franprix. Il porte leurs achats, les suit dans les rayons puis les raccompagne jusqu’à leur domicile.

Pour l’instant utilisé quelques jours par mois, il devrait être proposé à demeure dans le magasin à partir de l’automne et jusqu’à la fin de l’année. “Il seconde les personnes âgées ou handicapées en transportant leurs courses, et leur permet ainsi de retourner dans les commerces de proximité. Cela leur redonne une liberté, une autonomie qu’elles n’avaient plus”, constate le concepteur, pas peu fier de cette utilisation quasi “sociale” de son droïde.

Un engin industriel à l’origine

Il y a cinq ans pourtant, lorsque les frères Talon l’ont imaginé, le robot était cantonné au domaine de l’industrie. “On a d’abord travaillé dessus pour le besoins de l’industrie et pour le transport de charges au sein des usines. Les robots étaient inaccessibles en terme de prix pour les PME. Puis nous avons cherché d’autres clients, jusqu’à ce que la Poste nous amène au CES de Las Vegas en janvier 2017”, se souvient Vincent.

Certains de ces robots, dont le prix se situe entre 40 000 et 100 000 €, sont donc testés dans les ateliers industriels (comme chez Renault, Siemens ou la SNCF) et même en entrepôt logistique (chez Cdiscount).

Mais au-delà de “l’industrie 4.0”, les pistes de développement se sont vite multipliées pour ce véhicule autonome, qui est désormais couvé par une équipe de 13 ingénieurs (*). En milieu urbain, il est qui plus est dans l’air du temps, celui du développement durable mais aussi de la “smart city”, traduisez la ville intelligente. “Pour la ville, on a trois secteurs d’activité possible : seconder les gens pour leurs courses, livrer des colis pour les commerces de proximité, mais il peut servir aussi pour l’e-commerce”, résume le “startuper”. Et que la force soit avec Twinswheel…

(*) L’’entreprise Andarta Robotics fournit le système de navigation autonome. La partie mécanique est construite par la PME Soben (trains d’atterissage et amortisseurs) présidée par Benjamin Talon.

Dans le bon air du temps

Comment le droïde un brin extra-terrestre sera-t-il accepté par les citadins montpélliérains ? C’est tout l’objet des trois ans d’expérience à venir. “Il s’agit de voir la capacité d’accueillir ce type de technologie dans les espaces publics, en garantissant la sécurité et en permettant le maintien des usages urbains”, explique Fabien Blasco, directeur de l’innovation à la Métropole de Montpellier, la collectivité qui pilote l’opération.

Dans la capitale languedocienne, on teste depuis longtemps des alternatives aux transports polluants : on utilise des véhicules décarbonnés “depuis dix ans”. Twinswheel sera dans la droite ligne de cette volonté de limiter l’usage des automobiles.

Surtout que la ville revendique “le plus grand centre piéton d’Europe”, et veut faire de son coeur urbain une “Zone à Faible Emission”. “Cela implique deux axes, en premier lieu une règlementation liée à la qualité de l’air. Mais ce n’est pas tout de règlementer : il faut aussi mettre en place des solutions pour gérer la mobilité”, dit Fabien Blasco, qui évoque aussi le développement de l’e-commerce,”avec des marchandises qui sont de plus en plus livrées. Il faut pouvoir gérer cette masse”.

Pour Chantal Marion, vice-présidente de la Métropole et adjointe au maire, chargée de l’urbanisme opérationnel, le droïde sera aussi une parfaite illustration d’une ville “de demain et intelligente”. “Montpellier est une ville jeune, avec 40 % de moins de 30 ans. Elle a aussi une forte image numérique, explique l’élue. Ce droïde procurera un visuel attractif, une manière ludique d’expérimenter la ville du futur. Et puis tout le monde parle de French Tech, mais les gens veulent savoir vraiment ce que cela veut dire et voir quelque chose de concret”.

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